"ALTRIMAN-Thierry", ou "oh la vache quelle course!!!
On ne prend pas toujours conscience de ce qui nous attend lorsqu'on "clique" très simplement sur les sites d'inscriptions en ligne. On imagine, on a une idée, on suppute. Après 8 formats "Ironman", on pense avoir une petite expérience et suffisamment de recul pour bien appréhender ce type d'épreuve… Comme disait Brassens : "La suite lui prouva que non".
Site magnifique, dans les Pyrénées Orientales, lac de Matemale, village des Angles, idéal pour la pratique du Triathlon. Une sorte de "Gerardmer délocalisé" avec un accueil très chaleureux et une équipe de bénévoles vraiment exceptionnelle.
Au programme, 3.8 km dans le lac, 196 km de montagne(4600m de D+), et un marathon avec 800m de D+ … rien que ça, mais encore une fois, ça n'est que "sur le papier".
Rdv 4h30 au parc avec mon fan club officiel, et les copains du club : Cath, Milo, Juliette(les amours de ma vie), mes parents(Patrice et Chantal), mon parrain et son épouse(J-Luc et Françoise), Renaud et sa famille, Bertrand et Josiane, ainsi que Xavier venu nous soutenir. Stéphane Lartisant partant du Half à 8h30 étant resté bien logiquement quelques heures de plus dans son "noble lit".
Température extérieure 5°, l'eau étant donnée la veille à 16° (en plein soleil et à l'abris des regards), mais plus vraisemblablement à 15° au milieu du lac… ça va piquer !!!
5h30, on se tape dans les mains, il fait "nuit noire", on distingue à peine le phare placé 1km plus loin, accolade avec les potes, "The final countdown" dans la sono(super je vais l'avoir dans les "cages à miel" toute la journée!!!), PAN … 300 m souple vu la température et l'altitude(et oui..1600m quand même…), mais malgré tout, arrive mon habituel rituel lors des baignades en eaux polaires : barre sur le front, oppression thoracique, brasse, dos crawlé. Je connais, je gère… 1er tour, un gel planqué dans la manche avalé sur le ponton et on y retourne. Seconde boucle moins stressante, le jour s'est levé, ça me semble juste interminable, et la houle liée au vent nous empêche de placer une respiration efficace(et oui je l'avais pas dit, il y a du vent…). 1h11 dehors, conforme au plan, malheureusement j'apprends que Bertrand a dû sortir et stopper sa course, complètement congelé à la fin du 1er tour. Gros coup au moral, je connais le bonhomme, gros palmarès, 9h45 à Zurich, Hawaî, un gros mental, etc… bref, c'est pas "une femelle de lémurien asthmatique", s'il arrête à ce stade après 6 mois de préparation c'est du concret et c'est dur…
T1 ressemble ensuite à un grand rassemblement de Parkinsonniens sous-dosés en Modopar, pieds nus et à poil dans l'herbe mouillée. Ca tremble de partout, pas moyen d'enfiler sa tenue de vélo ses manchettes, ses gants… Je vois l'horloge défiler et je ne suis plus très loin du record absolu détenu par Calou à Niederbronn en 2009(20 minutes "couettes comprises").
Enfin sur ma monture, chaussée de boyaux car la météo n'annonçait théoriquement pas de précipitations, "nous partîmes 250…". Pluie (allant de bruine à très très forte), route mouillée 80% du parcours, vent parfois violent(rafales à 70 dans "Paillheres"), viennent se rajouter à la difficulté mythique du circuit que tout le monde imagine et sur laquelle je ne m'étendrais pas : c'est tout simplement une "Marmotte". Je parviens à suivre "à la lettre" mon carnet de route(bip je bois, bip je mange et je bois, bip je bois, bip je mange et je bois, bip…), les yeux rivés sur le capteur de Watts(ne pas dépasser 250, ne pas dépasser 250…)… Si l'on met de côté les affres climatiques du jour, il s'agit d'une balade exceptionnelle au milieu d'un cadre majestueux… j'y pense sans cesse, et j'apprécie l'enchantement des lieux, mais une putain de saloperie de vérole de crevaison vient me faire ch..r à 2000 m d'altitude au km 70, presque en haut du Port de Paillheres au pire moment : "AHHHHHHHHHHHH". Les "bâtonnets de Colin d'Alaska Findus" que j'ai à la place des doigts ont bien du mal à arracher et à remplacer le boyau de ma roue arrière. On regonfle comme on peut, et c'est reparti, mais avec "des noeux"dans le ventre car j'ai peur de tomber, et peur de ne pas finir non plus(faute de "joker réparation").
9h10 plus tard, un tout petit 22 de moyenne, je rentre à l'écurie… J'en ai gardé!!!
T2 beaucoup plus rapide que T1 : 9 à 10 minutes(ah oui quand même!!!), change complet, trempé de la tête aux pieds, je trouve plus mes chaussettes dans tout ce fatras de fringues humides et odorantes, passage dans la cabine téléphonique, et cette fois ci comme dit Bobby Lapointe : "revoilà du saucisson!!!"
42 km à parcourir avec 800m de D+… J'ai plus le courage de vous expliquer à quoi ça ressemble, faites le vous même…
"La meilleure façon d'avancer c'est encore la nôtre, il faut mettre un pied d'avant l'autre et recommencer… Dans la troupe y'a pas d'jambes de bois…" : gel + eau, eau+coca, gel + eau, eau+coca, un ravito succède au précédent, et précède le suivant, qui nous rapproche inexorablement de l'avant dernier, puis enfin du dernier…. Ma joie d'avancer relativement correctement( tout n'est que relativité…) est malheureusement gâchée par la tristesse de Renaud qui doit déposer son dossard juste avant de s'écrouler au poste de secours. Il est allé au bout du bout du bout, un guerrier, rien de plus à dire…
Les Angles village, 4h24 plus tard, la salle "Bleu neige", ils sont tous là…
Ils m'ont encouragés, soutenus, portés, et permis de survoler cette journée… merci ma doudou, merci mes enfants, merci papa, merci maman, J-luc Françoise, Xavier, Bertrand, Josiane, Stéphane, Renaud et sa famille, mon pote Franky Favre(3ème au scratch et qui m'a attendu pour l'accolade d'arrivée), ainsi que sa femme Nadège et leurs enfants(je leur souhaite plein de bonheur dans leur nouvelle vie ..).
Je ne saurais pas exprimer toute ma gratitude envers vous tous qui m'avez communiqué beaucoup "d'ondes positives"à travers messages, appels tel, mails, FB, etc...
Et que dire de l'ensemble de l'équipe et des bénévoles de l'Altriman, qui nous permettent par ce type d'épreuve de partager des instants rares et INOUBLIABLES, chargés d'émotion, et d'apprécier tout simplement le fait d'être en VIE…
Ah oui j'oubliais :
250 au départ, 120 à l'arrivée….
Day finisher, 15h10 (1h11-9h10-4h24), anecdotique 32ème au scratch…
Mais çà, ………. C'est "sur le papier"
Après avoir lu le CR de Thierry, qui m'a redonné la chair de poule, je confirme, on a bien fait la même course...
Une fois cliqué sur "register" en décembre, programme du printemps : Une bonne préparation en vélo avec un super stage à Fréjus et de bonnes sorties avec les copains "objectif Embrun", une bonne préparation à pied avec des sorties longues régulières, une bonne préparation en nat (non là je plaisante), et me voilà prêt pour le jour J.
Je rejoins à Matemale Thierry et sa famille le vendredi soir, on récupère les dossards dans une gentille ambiance d'organisation un peu "roots", limite bordélique parfois, mais des bénévoles d'une bienveillance admirable, et finalement tout se passe bien. Les enfants Ioos et Piccoli tâtent respectivement du triathlon enfant et XS, et on voit déjà bien que l'eau du lac est limite limite en température...Bravo à eux, en maillot de bain, eau à 17 au bord...
On rentre au chalet chez Thierry et on prépare les sacs. Pendant une heure, notre étage ressemble au marché de vandoeuvre, il y a de tout, partout, et on essaie tout les vêtements, quelle taille, combien de couches, quelle matière, ... prépare les gourdes, les sacs. On dirait qu’on part en rando. Ce sera un peu çà…
Une bonne nuit de sommeil (ah ah), et lever avec Thierry vers 3h30. On passe le nez dehors, il bruine, il fait noir, il fait froid. On arrive au bord du lac, il bruine toujours, fait toujours noir (panne de groupe électrogène dans le parc à vélo, tous à la frontale...), et une fois en combine, à attendre le départ, il fait vraiment froid (8°C).
Au bord du lac, on attend les consignes pour le parcours nat, pas de bouées éclairées visibles... On nous dit finalement qu'il faut viser une voiture en pleins phares à 1km à l'autre bout du lac et revenir ici, deux fois...OK...C'est la nuit, quelques fumigènes rouges à nos côtés, ambiance surréaliste.
L'eau est vraiment froide, je ne m'échauffe même pas, pas le courage, personne n'a le courage, juste quelques un qui s'immergent jusqu'au cou. Moi j'attendrai le départ.
Pan, c'est parti, l'eau passe sous la combine et on sent très vite que çà va pas être simple. Passé 2/300 mètres, l'eau est vraiment plus froide, sans doute 15°, l'obscurité, et l'impression de solitude, le fait de ne rien voir autour de soi, pas de collègues de galère qu’on voit nager à côté (je regrette presque les bagarres habituelles au départ des IM, c'est dire), des vagues (mais elles sortent d'où ???), belle angoisse, puis on se calme, on aperçoit les phares au loin, on essaie de poser la nage, mais le froid anesthésie. Je passe les bouées de demi tour, et le jour commence un peu à se lever, mais le ciel est plombé par les nuages (tiens la météo avait annoncé beau, non ?). Le moral renvient, je fais ma sortie à l'australienne, la moitié est faite, on entend les encouragements des amis, çà fait bcp de bien. Reparti pour un tour, plus d'angoisse, mais le froid, le froid, le froid. Je nage à mouvements ralentis, petits départs de crampes dans les mollets, mais ils passent. Enfin l'arrivée, 3,8km, frigorifé, mais satisfait de m'en sortir. 1heure 25 mais on s'en fout.
Je tente de trottiner jusqu'au parc à vélo, récupère mon sac de transition, et Catherine m'apprend que Bertrand à capitulé, tétanisé par le froid. Coup dur pour lui après ces mois d'entrainement, c'est impitoyable et injuste. Pas mal d'abandons déjà. je me dis que j'ai de la chance d'en être là et tente d'enlever ma combine, impossible, je pars en crampe, je tremble de partout, c'est horrible. Tout le monde tremble de partout, on en rigole, mais on ne contrôle pas ses gestes, jamais connu çà.
Finalement, çà part à vélo, toujours en tremblant, et ma seule envie est une bonne côte pour me réchauffer un peu. Le début du parcours vélo est comme j'aime, je remonte pas mal de monde et je me réchauffe un peu pour arriver au pied du port de Pailhères, col HC à 2000 m que je grimpe tous les étés. Je sais qu'il est dur mais là, petite gâterie supplémentaire, il se met à pleuvoir à 8 km du sommet. Plus on monte, plus cela se bouche, et à partir d'un km du sommet, des bourrasques de vent, visibilité à 20 m, sympa... J'arrive en haut et Catherine, Milo et Xavier, sortent de la voiture où ils s'étaient abrités pour venir m'encourager, çà fait du bien mais je ne m'éternise pas vu les conditions climatiques.
La descente constitue mon pire souvenir à vélo. On ne voit rien, il pleut avec des bourrasques qui nous baladent sur la route, et je suis débout sur les freins, à ne plus pouvoir desserrer les paluches. Et il n'y a personne. En bas, on est tout heureux d'être entier, et d'entamer le col de Chioulat pour se réchauffer à nouveau. je suis trempé, transi, mais la montée fait du bien, c'est le paradoxe. Je m'étais dit que là le plus dur est fait mais le reste du parcours est finalement plus dur que le col HC. Je ramasse plein de monde, je mange bien, on roule souvent seul avec soi même, mais super accueil des bénévoles aux ravitos, on échange un peu avec les deux trois concurrents qui sont là, c'est bon. La fin du vélo est assez piquante, la côte de Carcanière au km 175 (3km à 12% de moy) finit de me réchauffer les pieds (enfin), mais il pleut encore. Et puis zou, retour au bord du lac, je pose le vélo après 199 km au compteur,autour de 5000 m de grimpette et 9h38 de selle. Parcours très éprouvant, mais cadre fantastique. Je suis content, à ce moment là, je suis autour de la 60e place, et l'avenir est radieux, y a plus qu'à courir et marcher un peu...
Toujours trempé, je me change pour du sec (aaaaahhhhhh!), et il fait un peu soleil, je ne me couvre pas trop.
Départ Course à pied, çà va, petite foulée moche mais économe, pas mal aux jambes du tout, et la première partie est assez raisonnable, un aller retour autour du lac, avec déjà une bosse pour prévenir de ce qui arrive. Je croise pour la première fois titi, qui galope, qui va bien, çà fait du bien de se revoir. Et puis j'entame la première montée vers les Angles, et là, y a un truc qui ne va pas d'un coup, j'ai froid, et les montées dans les caillasses me scotchent. Je marche un peu, je cours, je marche je cours. J'arrive dans le village des Angles et là, plus rien, je suis frigorifié, j'ai des fourmis dans les avants bras, et je ne peux plus ni boire ni manger. Ma famille est là, les copains sont là, m'encouragent, mais plus rien. C'est difficile à encaisser, mais il vaut mieux s'arrêter là, avec les siens, que d'insister et repartir dans la pampa, gelé, et sans plus pouvoir alimenter la chaudière, il reste encore près de 30 km à faire sans doute. La plupart des gars après Titi feront tout le marathon en marchant, jusqu'à 18, 19h d'effort pour les derniers guerrier, moi je ne peux juste pas. J'abandonne officiellement, vais m’asseoir, un toubib vient me voir, et me diagnostique une belle déshydratation. J'ai pensé à manger, mais pas assez à boire, trompé en vélo par le froid et la pluie. Grave erreur...Deux poches de perf plus tard, je vais mieux. Je reste pour vivre l'arrivé incroyable de Titi.
Merci à Carole et mes chéries, pour leur soutien à "l'arrivée". Merci A Xav qui a fait le déplacement pour nous encourager, Steph qui en a aussi bavé sur le Half, et est resté pour nous suivre, et merci à toi Bertrand pour tes supers mots de réconfort alors que toi aussi tu avais vécu une cruelle déception, un peu plus de 12h avant moi. Et merci à la famille Piccoli pour l'accueil et la logistique, de bons moments passés ensemble!
En résumé, c'est une course hors norme, avec un esprit que j'adore, on est tous dans la galère, on l'a choisi et on ne se plaint donc pas. On se parle et on s'encourage entre athlète, bien loin de l'esprit compet qu'on ressent sur certains IM.
C'est çà aussi le triathlon, et çà que j'aime.
Juste frustré de ne pas avoir pu finir, mais je sais aussi que j'ai Embrun qui pointe le bout de son nez dans un mois, et j'ai préservé ma santé pour cette prochaine sortie entre copains.
Pour l'année prochaine, l'IM de frankfurt est déjà programmé, mais en 2016, je retenterai sans doute l'aventure pour cette fois terminer. Avis aux amateurs !